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FEMMES, AVENIR DE L'AFRIQUE
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23 juin 2010

GUINEE Dernière ligne droite

Dernière ligne droite
                         

 

             Ambiance lors d'un meeting de Cellou Dalein Diallo, le leader de
l'UFDG.                 Ambiance lors d'un meeting de Cellou Dalein Diallo, le leader de l'UFDG.                 © Sia Kambou/AFP             

                            

L’élection cruciale du 27 juin a de grandes chances d’être transparente et équitable. C’est l’échéance de tous les espoirs, mais aussi celle de tous les dangers.

Pour la première fois depuis l’indépendance de leur pays, il y a cinquante-deux ans, les Guinéens vont pouvoir choisir librement l’homme ou la femme qui va les gouverner. Si Sékouba Konaté, le président de la transition, espère que « le scrutin scelle l’acte de naissance d’une nouvelle démocratie majeure en Afrique », la fragilité de la nation guinéenne, l’exacerbation de l’ethnocentrisme et les passions déchaînées par l’enjeu électoral font peser de lourds risques sur l’équilibre de la Guinée. Tout peut arriver, le meilleur comme le pire.

Dans un pays où chaque parti politique a principalement pour base l’ethnie de son leader, le moindre contentieux électoral peut dégénérer en affrontement intercommunautaire. Pour ne rien arranger, une rivalité tenace oppose les deux groupes majoritaires. Elle remonte au début des années 1970, quand le Malinké Ahmed Sékou Touré, premier président de la Guinée indépendante, a orchestré une cruelle répression de ce qu’il a appelé « le complot peul » – les prétendues manœuvres initiées par les cadres peuls de la Moyenne-Guinée pour le renverser.

Cellou, les atouts du favori ?

Les plaies ne se sont toujours pas refermées et font craindre le pire. Les Malinkés n’accepteront pas une victoire du Peul Cellou Dalein Diallo. Les Peuls s’opposeront à l’arrivée au pouvoir du Malinké Alpha Condé. D’autant qu’ils considèrent que c’est à leur « tour » de gouverner, après vingt-six ans de règne d’Ahmed Sékou Touré, vingt-quatre ans du Soussou Lansana Conté et un an du Forestier Moussa Dadis Camara. Les jeunes de Bambeto, Cosa, Hamdallaye, ces quartiers périphériques de Conakry peuplés de candidats à l’exode rural venus des villes désertées de la Moyenne-­Guinée (Labé, Pita, Dalaba…), ne veulent rien entendre d’autre qu’une victoire de « Cellou ». Ils sont d’autant plus à redouter qu’ils ont déjà affronté les balles de l’armée au cours des sanglantes manifestations populaires du début de 2007 et sont rompus à une certaine forme de guérilla urbaine.

Représentant 38 % de la population, les Peuls, qui détiennent le pouvoir économique, contrôlent le commerce de gros et de détail, comptent le plus grand nombre de cadres, dans le public comme dans le privé, et ont massivement investi dans la campagne de leur champion. Tous ont cotisé, du business­man milliardaire au petit cireur, en passant par le commerçant de Madina, le plus gros marché de la capitale.

Cellou Dalein Diallo dispose d’un autre atout : aucun autre poids lourd ne lui dispute les voix de son bastion naturel. Si Ousmane Bah, qui a hérité du parti de feu Siradiou Diallo, a été décrédibilisé par son flirt avec Moussa Dadis Camara, le putschiste de sinistre mémoire, les autres candidats peuls (notamment Mamadou Baadiko Bah et Boubacar Barry) sont tout à fait marginaux. Traditionnellement divisée, la Moyenne-Guinée est, cette fois-ci, réunie derrière un seul homme.

À l’inverse, la Haute-Guinée, qui s’est toujours mobilisée derrière Alpha Condé, son leader historique, est aujourd’hui écartelée. En cause : la descente dans l’arène de l’ex-Premier ministre François Lonsény Fall, issu d’une grande famille de Kankan, de l’ancien ministre des Finances et brillant économiste Ousmane Kaba, ainsi que du prospère vendeur de yaourts Mamadou Diawara, bien implanté à Siguiri, sa ville natale.

Une supportrice d'Alpha Condé, le président du RPG. (Sia Kambou/AFP)

En cause aussi, et surtout, la montée en puissance de Lansana Kouyaté, chef du gouvernement de février 2007 à mai 2008. Emmené par le Parti de l’espoir pour le développement national (PEDN, créé il y a juste un an), Kouyaté, qui mène une campagne à l’américaine avec avion, bus et gadgets en tous genres aux couleurs de sa formation, a fait une percée en pays malinké (ses meetings, en avril, à Siguiri, Kankan et Kouroussa ont réuni plusieurs milliers de personnes), dans la région forestière et dans la capitale, ce qui a amené nombre d’observateurs à revoir leurs prévisions sur le scrutin.

L’axe des anciens Premiers ministres

Gros grain de sable dans la machine Alpha Condé, Lansana Kouyaté risque, à défaut de gagner, d’affaiblir ce vétéran de la vie politique guinéenne au point qu’il soit rattrapé par Sidya Touré, favori de la Basse-Guinée, le pays soussou.

Issu d’une minorité, adulé par l’intelligentsia, le patron de l’Union des forces républicaines (UFR), qui ne braque pas les grands groupes et bénéficie de la plus large implantation nationale, apparaît de plus en plus comme une sorte de dénominateur commun. Perçu par les chancelleries en poste à Conakry comme étant « le seul leader acceptable par tous », « Sidya » s’est discrètement rendu à Paris le 26 mai, veille de l’ouverture de la campagne électorale, où il a été reçu « en haut lieu ». Depuis son retour, il allie sa campagne avec des discussions tous azimuts, ouvrant toutes les hypothèses dans la perspective du second tour.

Au fil des tractations se dessine de plus en plus un axe réunissant les quatre anciens Premiers ministres dans la course (Sidya Touré, Lansana Kouyaté, François Lonsény Fall et Cellou Dalein Diallo), consolidé par la menace directe d’Alpha Condé d’auditer leur gestion s’il est élu. Le plus vieux crocodile du marigot politique guinéen ne se laisse pas submerger par cette évolution. Pour contrer cette espèce d’union sacrée de ses adversaires, il s’est rapproché d’autres candidats : l’ex-ministre des Finances Kassory Fofana, l’homme d’affaires Elhadj Mamadou Sylla, l’ex-ministre et candidate recalée Rougui Barry, le prospère businessman établi aux États-Unis Abé Sylla, à la tête d’une coalition de douze petites formations… Les combinaisons d’appareil vont bon train. Sous les dehors d’une campagne électorale terne s’ourdissent d’intenses tractations.

S’il reçoit, tard dans la nuit, dans sa résidence de fonction qui surplombe l’océan, tous les candidats qui le souhaitent, Sékouba Konaté veille de façon obsessionnelle à garder sa neutralité. Au point d’avoir fait une adresse à la nation pour démentir une rumeur persistante qui lui prêtait l’intention de soutenir Alpha Condé, malinké comme lui.

Son calme apparent cache toutefois quelque inquiétude. Les informations qui lui sont parvenues, faisant craindre des troubles, le préoccupent. Il s’en est ouvert, le 31 mai, au secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant, en marge du sommet Afrique-France de Nice. Non sans attirer son attention sur le manque de moyens de la Force spéciale de sécurisation du processus électoral (Fossepel) qu’il a mise en place à la mi-mai. Appelant de tous ses vœux une élection calme suivie de la formation d’un gouvernement d’union nationale, Konaté, à Nice, a aussi confié au chef de l’État congolais, Denis Sassou Nguesso, son intention de quitter la Guinée immédiatement après le scrutin, pour ne pas gêner son successeur. Celui qui s’est retrouvé à la tête de son pays malgré lui, au lendemain de l’attentat contre Moussa Dadis Camara, veut s’effacer comme il est venu. Définitivement, ou seulement le temps que remonte en lui la drogue du pouvoir ?

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